Le repli narcissique est-il un phénomène de société ?

Burnout, fatigue, chronique, phobie sociale et scolaire, désignent autant de phénomènes actuels de repli sur soi. Bien qu’amplifiées par la crise du Covid, ces tendances sociétales datent de plusieurs décennies. Entre les jeunes qui n’arrivent plus à aller à l’école et ceux qui se réfugient sur leurs écrans et dans les réseaux sociaux jusqu’aux adultes, en proie aux fatigues chroniques et qui ne peuvent plus sortir de chez eux, tout cela nous amène à réfléchir aux raisons de ce repli, et surtout à quoi ce repli tel un mécanisme de défense permet de faire face.

Comprendre ces raisons nous permettra surtout de trouver les ressources pour rompre avec ce phénomène d’isolement et retrouver le goût des relations sociales. La Psychanalyste, Sophie Braun s’est appuyé sur des témoignages de patients reçus dans son cabinet.

Elle dénonce les injonctions contradictoires de la société qui imposent d’être à la fois un individu libre et autonome et un hyper consommateur passif. Elle dénonce les diktats destructeurs qui affectent les psychés individuelles et le socle même de la personnalité. Certaines personnes ne parviennent pas à s’adapter et sont en proie à la dépression, aux angoisses et ont recours à un accompagnement médicamenteux . D’autres se replient, selon l’auteur, dans leur coquille pour se protéger et s’extraire du monde. « Si la solitude peut être un ressourcement, l’isolement est meurtrier », Sophie Brown.

Sophie Braun nous explique comment en s’isolant, les sujets se protègent de la pression du monde et démontre que les chiffres sont inquiétants. En effet, selon une étude de l’Unicef datant de 2014, près de 43 % des jeunes interrogés entre 15 et 18 ans sur une situation de souffrance psychologique, 40 % vivent des relations tendues avec leurs parents et 45 % ont peur de ne pas réussir à l’école. 32 % reconnaissent avoir pensé au suicide et 12 % tenter de mettre fin réellement à leurs jours.

On peut donner aussi l’exemple inquiétant des Hikikomori au Japon en évoquant l’histoire troublante de ces jeunes adolescents ou adultes, entre 15 et 35 ans qui s’enferment dans leur chambre avec leurs ordinateurs, des jeux vidéo et leur téléphone pour seule compagnie. Ce phénomène a commencé dans les années 1990 et s’accroît progressivement ; ils seraient près d’un million et demi de reclus.

Dans d’autres pays du monde, le phénomène est aussi alarmant comme par exemple en Grande-Bretagne, avec l’existence des « Neet », terme qui désigne ceux qui ne sont inscrits dans aucun établissement scolaire, n’ont pas d’emploi et ne participent à aucune activité sociale.

En France, ce que l’on nomme phobie scolaire toucherait entre  3 à 5 % des élèves.

Le chiffre est en en développement constant et ce phénomène touche des enfants de plus en plus jeunes. Par ailleurs, selon une une étude récente de la fondation des hôpitaux, 36 % des personnes interrogées ont déclaré avoir fait un burnout au cours de leur carrière.

Toutes ces personnes sont victimes, selon Sophie Braun, d’un mythe de l’émancipation individuelle, poussé à son paroxysme car, dans notre société, « on est tous sommé finalement de vivre en individu autonome et épanoui », ce qui nous interdit, en définitive, d’être malheureux ou de penser de façon négative, en ayant pour seule alternative le mythe de la pensée positive.

La peur également nous isole en devenant phobique de Tout : islamophobes, homophobes, grossophobe, etc. On remplace la haine par la peur. La phobie scolaire et le burnout sont des formes plus légères qui touchent des profils divers et variés. Cela s’explique par le fait que nous cherchons sans cesse un objet qui pourrait porter la responsabilité de nos angoisses et de nos peurs, avec l’espoir que ce problème résolu ces dernières disparaîtront. Le choix de l’objet de la phobie révèle l’ampleur des angoisses, par exemple, une phobie sociale révèle des angoisses plus massive que la phobie de prendre l’avion. L’extension du nombre des phobies dans notre société contemporaine est l’un des marqueurs fort des fragilités psychiques. Aujourd’hui, elle révèle la profondeur des angoisses sous-jacente. Ce mécanisme phobique aboutit souvent repli sur soi, surtout depuis la crise du Covid qui a pris une place prépondérante dans notre quotidien : principe de précaution la peur, le déni de la mort et la crainte des autres.

Beaucoup ont le sentiment que le monde est agressif ou hostile et ne leur accorde pas la place qu’ils méritent un peu comme un mouvement hypersensibilité qui réveille les failles narcissiques et laisse s’exprimer les blessures.

On assiste le plus en plus avec l’avènement des réseaux sociaux à une dévalorisation de soi voir « une épidémie de haine de soi comme le dit Sophie Braun. »

Selon elle, les influences de notre environnement social, historique, éducationnel, familial et individuel convergent vers un même point central consistant en une fragilité narcissique qui demande à être comblée par un besoin de reconnaissance et de valorisation.

« Le nouvel individu est frustré et humilié, encombré de lui-même, dans l’impossibilité

de mettre en place ou de maintenir une relation à l’objet. Isolé, il se replie comme un véritable réfugié intérieur. » Le point commun de ces souffrances est que le corps porte ce que la psyché ne peux ni exprimer ni figurer.

Aujourd’hui, les enfants n’ont plus le temps de grandir. Cette exigence d’émancipation et cette lutte pour exister et pour créer une valeur illusoire ne leur permet plus de jouer avec leur corps, avec leurs sens et de construire des fondations solides. Avec la multiplication des réseaux sociaux, les enfants sont élevés dans l’illusion « qu’ils seront les héros de leur vie qu’ils pourront décider » alors qu’on ne leur accorde pas l’espace pour que cela soit possible ; le manque d’envie et de désir est la conséquence directe de certains excès de notre société qui affectent le sentiment de base de sécurité et une bonne image de soi.

Le déclin des institutions, de l’autorité parentale, de l’éducation et du patriarcat leur ouvre pourtant un espace de liberté, les rôles sociaux se libèrent et offrent une multiplicité de choix mais la contrepartie en est l’absence de règles, de limites et de cadre, ce que l’on constate dans les nouvelles névroses notamment. On peut prendre comme exemple la question du genre qui occupe une place importante aujourd’hui. Bien qu’elle crée une nouvelle liberté, elle est génératrice d’instabilité. De plus, cette liberté à outrance laisse peu de place aux partages dans le cadre de relations objectales. Faute de bons modèles identificatoire, un trou béant est laissé dans le psychismes.

Nous assistons à la naissance d’un hyper individu élevé dans la compétition depuis la maternelle, la vie est vécue comme une guerre qu’il faut gagner. La question est de savoir comment être assez fort pour résister à ces pressions.

Chacun et mis dans une case et étiqueté par son déficit plutôt que par son potentiel, comme on peut le voir avec la multiplicité des troubles « dys ».

Pour Sophie Brown,repli sur soi est avant tout une maladie du désir ou plutôt du manque de désir qui se retrouve étouffé par les excès de nos sociétés de consommation qu’elle nomme « l’ogre narcissisme ».

La possession du dernier smartphone, de la dernière paire de baskets à la mode ou de la dernière voiture en vogue produit un parallèle avec la valeur de celui qui achète. La société de consommation fait reposer ainsi le narcissisme sur la possession de l’objet.

Jouer des failles narcissiques pour augmenter la consommation constitue un danger pour chacun d’entre nous.

L’individu ne peux plus supporter la frustration, embourbé dans un circuit de la récompense immédiate, confronté à la confusion entre possession d’un objet le sentiment de valeur personnelle.

Les réseaux sociaux, véritables amplificateur des passions psychique, en entravant l’imaginaire et le développement cognitif, représentent l’une des causes du repli narcissique dans une fuite du réel et des relations. Le processus psychiques est « chosifié », matérialisé. Tout cela renforce la persona de Jung, le masque permis par des relations objectales éphémères et virtuelles.

références : « La tentation du repli » de Sophie Brown

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