Sujet : Observation de bilans neurologiques à visée diagnostique au sein du service Neurologie et Neuropsychiatrie du Professeur Ceccaldi les 23 et 24 août 2023
Introduction
Présentation de l’Institution
Le service de Neurologie Neuropsychologie du Professeur Ceccaldi est spécialisé dans le diagnostic et la prise en charge de patients adultes, présentant des perturbations cognitives et/ou du comportement pouvant s’intégrer dans le cadre de pathologies neurologiques diverses comme la maladie d’Alzheimer et maladies apparentées ainsi que les séquelles d’accidents vasculaires ou de traumatismes crâniens. Il remplit les missions de soins, d’enseignement / formation / sensibilisation, d’accompagnement médico-social, de santé publique et de recherche.
Il est composé d’une équipe pluridisciplinaire constituée de neurologues, d’internes et externes en médecine, de psychologues, d’orthophonistes, d’une assistante sociale, d’infirmières et aides-soignantes et d’un secrétariat.
Ce service est labellisée Centre Mémoire de Ressources et de Recherche ou CMRR pour la région Provence, Alpes, Côte d’Azur. Les 2 autres sites sur PACA sont l’Hôpital Nord et l’Hôpital Sainte-Marguerite.
Les patients sont reçus dans le cadre de bilans en hospitalisation de jour.
Le service est labellisé Centre Mémoire, de Ressources et de Recherche (CMRR PACA OUEST). Le CMRR dispose de trois sites de consultation mémoire : Hôpital Nord, Hôpital de la Timone, Hôpital Sainte Marguerite.
Le CMRR est particulièrement impliqué dans la recherche de nouveaux traitements dans le domaine des troubles de la mémoire et de la maladie d’Alzheimer et maladies apparentées. Les patients peuvent participer à des essais thérapeutiques et des essais cliniques non médicamenteux. Les principaux thèmes des travaux de recherche inhérents au service sont :
- facteurs diagnostiques, pronostiques et évolutifs du Trouble Neurocognitif Léger
- diagnostic différentiel maladie d’Alzheimer / Trouble Neurocognitif non-Alzheimer
- troubles Neurocognitifs post AVC et dans le cadre de certaines épilepsies focales
- diagnostic différentiel et prise en charge des pathologies neurodégénératives à début précoce
- étude du profil de troubles oculomoteurs dans les pathologies neurodégénératives
- étude EvaMMADOm : essai interventionnel portant sur les patients présentant une maladie d’Alzheimer (ou apparentée) dont l’objectif est de démontrer qu’informer régulièrement le médecin généraliste des résultats de l’évaluation multidimensionnelle de l’autonomie du patient permet d’améliorer sa prise en charge et son maintien à domicile
Contexte du stage
Mon stage de deux jours s’est déroulé au sein de l’hôpital de jour qui accueille un public adulte et dont la demande intitulée « la plainte » est relative au différents troubles cognitifs sus-mentionnés.
Dans ce cadre, j’ai pu assister aux consultations et évaluations neuropsychologiques : prise de connaissance du dossier, entretien clinique, administration des tests psychométriques et aux échanges avec divers membres de l’équipe médicale et paramédicale. J’ai également pu prendre connaissance de travaux portant sur le bilan neuropsychologique et sur la clinique des maladies neurodégénératives.
Les patients accueillis au sein de l’HDJ (Hôpital de Jour) sont potentiellement atteints de pathologies neuro-dégénératives ou de séquelles d’accident vasculaire cérébral (AVC) ou manifestations psychiatriques. Les évaluations peuvent également être indiquées et prescrites suite à des atteintes cognitives liées à des traumatismes crâniens ou des manifestations de nature épileptique ou autres infections. Il est à noter que les pathologies du mouvement, notamment la maladie de Parkinson et la sclérose en plaques sont prises en charge par une autre unité.
Dans le cadre de mon stage pratique, j’ai pu assister à 4 évaluations neuropsychologiques complètes ou bilans qui auront vocation à permettre au médecin de poser un diagnostic mais, compte-tenu du temps imparti, n’ai pas assisté aux réunions de synthèse hebdomadaires, en présence de toute l’équipe.
I – Le Bilan :
A – Le cadre :
Les bilans individuels sont réalisés par les neuropsychologues à partir de tests standardisés spécifiques laissés à la libre au libre choix de la professionnelle qui les dirige. Il comprend, outre l’anamnèse et l’écoute de l’entourage du patient, l’administration d’une batterie de tests, sur une durée d’environ 2 heures.
Certaines examens complémentaires peuvent être administrés à la demande d’un neurologue, notamment un bilan orthophonique, la recherche de lésions en imagerie cérébrale ou autres examens.
Le bilan neuropsychologique est un outil d’évaluation qui permet d’appréhender le fonctionnement cognitif de l’individu, soit à la demande du patient lui-même ou de son entourage, soit à la demande de médecins qui ont besoin de précisions sur l’évolution de manifestations cliniques.
Les patients font part d’une « plainte » notamment des oublis fréquents qui peuvent être invalidants dans leur quotidien et limitants quant à leur autonomie. Lorsque la démarche est volontaire, il apparaît évident qu’ils se montrent plus motivés et partie prenante de leur évaluation.
Cette évaluation psychologique est effectuée de manière holistique afin d’apprécier le fonctionnement cognitif du sujet. Elle comprend des examens relatifs à la mémoire, l’attention, les fonctions exécutives et les fonctions instrumentales qui constituent un bilan dit « classique ».
B – La neuropsychologue :
Sa fonction est d’évaluer l’ensemble des fonctions cognitives telles que l’attention, la mémoire, le langage ainsi que les fonctions exécutives afin d’avoir un ensemble d’éléments lui permettant d’établir un profil cognitif.
Pour la neuropsychologue, cet examen nécessite une expertise pointue de l’ensemble des outils et procédures, des capacités d’observation clinique et une flexibilité qui lui permettent, au fur et à mesure du déroulement de la séance, d’adapter son approche en fonction de la demande initiale et de la réponse aux tests du patient.
Elle s’emploie à réaliser une photographie précise, en « instant T » du profil cognitif et comportemental du patient.
C – Le patient :
Pour ce dernier, le bilan peut être perçu comme un exercice lourd, fastidieux et difficile. En effet, il se soumettent pour certains volontairement, pour d’autres moins, à une batterie de tests nécessaires à leur évaluation diagnostique dans le contexte anxiogène de l’hôpital, souvent, en proie à une anxiété inhérente à leur état de santé, leur état psychologique parfois fragile et leur environnement/contexte familial.
Ils arrivent donc le jour de l’examen destabilisés, avec une crainte légitime et en attente d’être rassurés ou qu’un diagnostic soit posé pour comprendre ce qui leur arrive.
Les épreuves du bilan sont passées dans un cadre formel qui les met en situation de subir les tests dans des conditions adaptées et similaires à un échantillon de référence, puisque les performances et scores sont comparés à une population de même profil type et âge. Les bilans sont, en conséquence, spécifiquement adaptés au patient et replacés dans son contexte personnel.
D – L’évaluation :
L’évaluation en neuropsychologie permet de déterminer les difficultés rencontrées par le patient en terme d’apprentissage, cognitives ou comportementales.
Le neuropsychologue effectue au préalable un entretien clinique que je qualifierai d’anamnèse pour établir l’histoire des difficultés et déterminer les facteurs environnementaux et contextuels aggravants.
Il évalue ensuite grâce à des tests l’ensemble des fonctions cognitives, tel l’attention, la mémoire, le langage ou les fonctions exécutives qui l’aideront à établir le profil cognitif de la personne et peut poser un diagnostic neuropsychologique.
J’ai pu assister à la passation de différents tests en fonction du patient. Je n’ai pas la prétention de les connaître précisément mais je vais tenter de faire une liste de ceux que j’ai pu observer :
- tests relatifs à la mémoire antérograde : liste de mots (rappel libre, rappel indicé, récupération), histoire, figure de Rey
- tests relatifs à la mémoire de travail : empans de chiffres et inversé
- capacités visuo perceptive, vitesse de traitement – fonction exécutive : relier les chiffres de 0 à 25 le plus vite possible
- flexibilité : chiffres et lettres alternés
- inhibition : le stroop – mots et couleurs
- capacités visuo spaciales : test de Benton line, point/chiffre, lettres incomplètes
- capacités visuo perceptives : le Benton visages
- les fluences : le plus de noms commençant par P, le plus d’animaux
- mémoire, reconnaissance visuelle : le DMS 48 visuel plus ou moins 3 couleurs
- dénomination, accès aux noms, langage : test DO 80
- phrase libre
- dictée
II- Approche des différents types de mémoire :
Selon l’INSERM, « la mémoire permet d’enregistrer des informations venant d’expériences et d’événements divers, de les conserver et de les restituer. Différents réseaux neuronaux sont impliqués dans de multiples formes de mémorisation. La meilleure connaissance de ces processus améliore la compréhension de certains troubles mnésiques et ouvre la voie à des interventions auprès des patients et de leur famille. »
Il existe plusieurs types de mémoire selon les réseaux neuronaux impliqués, que je vais tenter d’expliquer mais, là-encore, il ne s’agit que d’une approche incomplète réalisée avec mes yeux de profane mais ma volonté de comprendre, en 2 jours de stage pratique. Je tiens donc au préalable à m’excuser auprès des professionnels concernés que j’invite toutefois à venir compléter et éclairer mon propos.
A – La mémoire de travail, dite à court terme qui permet de retenir l’information au présent notamment lors de la réalisation de tâches ou activités. Elle est sollicité en permanence. C’est ce qui nous permet de retenir un numéro de téléphone ou de plaque d’immatriculation avant de le noter, par exemple.
B– La mémoire sémantique et la mémoire épisodique à long terme
a) la mémoire sémantique :
Elle correspond au vocabulaire et aux connaissances sur le monde et sur soi. Elle se construit et se réorganise tout au long de notre vie, avec l’apprentissage et la mémorisation, le sens des mots, le savoir sur les objet, sur les lieux, les personnes etc.
b) La mémoire épisodique :
Elle correspond aux événements autobiographiques et nous permet de nous situer dans le temps et l’espace et de se projeter dans le futur. Constituée entre 3 et 5 ans, elle est étroitement imbriquée à la mémoire sémantique. Progressivement, les détails précis de souvenirs se transforment en connaissances.
c) La mémoire procédurale relative à l’apprentissage des automatismes inconscients :
Elle correspond aux automatismes acquis notamment la marche, faire du vélo ou jouer de la musique sans avoir à réapprendre à chaque fois. Cette mémoire est particulièrement sollicitée chez les artistes ou les sportifs pour atteindre l’excellence et l’accomplissement du geste parfait. Ces processus sont effectués de façon implicite, c’est-à-dire inconsciente. Les mouvements se font sans contrôle conscient et les circuits neuronaux sont automatisés.
d) La mémoire perceptive liée aux perceptions sensorielles
Elle se rapporte à nos sens et fonctionne la plupart du temps sans que la personne en ait conscience. Elle permet de retenir des images ou des bruits sans s’en rendre compte. Par exemple lorsqu’on conduit un peu en pilote automatique, par habitude, grâce à des repères visuels. Cette mémoire permet de se souvenir des visages, des voix, des lieux. On peut la comparer à activités devenues routinières.
C – Les troubles de la mémoire
a) Causes et manifestations :
Les troubles de la mémoire connaissent des causes multiples et variées qui peuvent être traumatiques, relatives à des lésions comme dans le cadre d’un AVC, liées à des tumeurs ou dégénérescences cérébrales, comme dans la maladie d’Alzheimer etc. Ils peuvent également avoir des origines biologiques, notamment le déficit de certains neuromédiateurs ou une faible connectivité entre les réseaux cérébraux.
Lorsqu’il existe une démence sémantique qui touche les connaissances sémantiques (vocabulaire, connaissance sur soi et le monde…), les mots ou des informations, des souvenirs anciens peuvent être oubliés. De nouveaux souvenirs épisodiques « au jour le jour » peuvent en revanche continuer à être mémorisés.
Chez les patients souffrant de la maladie d’Alzheimer, les troubles concernent le stockage en mémoire antérograde, plus particulièrement la mémoire épisodique, les souvenirs anciens pouvant être épargnés, selon l’Inserm.
Lorsque les neurones impliqués dans la mémoire procédurale sont atteints, on peut observer la perte de certains automatismes, notamment chez les sujets atteints de la maladie de Parkinson ou Huginton.
Les déficiences relatives à la mémoire du travail ou à court terme, peuvent quant à elles donner des difficultés de concentration, ou pour réaliser plusieurs taches en même temps.
b) Focus sur la maladie d’Alzheimer :
Touchant près de 900 000 personnes en France, la maladie d’Alzheimer est une maladie neurodégénérative d’évolution progressive qui représente 70 % des troubles démentiels. 5 à 8% des personnes de plus de 65 ans en seraient atteintes.
Elle résulte d’une dégénérescence des neurones, débutant au niveau de l’hippocampe, structure cérébrale essentielle à la mémoire à court terme puis s’étend aux autres puis à l’ensemble du cerveau.
Dans la maladie d’Alzheimer, au départ, c’est la mémoire antérograde qui est déficiente avec des troubles de la récupération, en mémoire. En effet, elle se caractérise cliniquement, dès le début et tout au long de la maladie, par la perte de la mémoire consciente des faits récents qui ne sont plus encodés et stockés par l’hippocampe que l’on qualifie d’amnésie antérograde.
Elle affecte principalement la mémoire, mais également d’autres fonctions cognitives, liées à la connaissance, le langage, le raisonnement, l’apprentissage, etc. Les conséquences sont une évolution vers la perte d’autonomie. Actuellement, il n’existe aucun traitement curatif.
IV – La relation de soin neuro-psychologue/patient :
Il n’est pas possible aujourd’hui, au regard des contraintes institutionnelles et des politiques publiques hospitalières, d’envisager un suivi thérapeutique après la phase de bilan, même si parfois les neuropsychologues peuvent être amenées à les revoir, lors d’une prochaine séance d’évaluation.
Pour autant, lors des entretiens, j’ai pu observer une amorce d’alliance thérapeutique entre les patients et la neuropsychologue.
En effet, cette dernière offre au patient un espace d’écoute neutre, dénué de tout jugement, un lieu de dépôt des souffrances et des angoisses profondes autour de la maladie et un lieu de soutien.
Ma tutrice,…….., considère, en effet, qu’il s’agit d’une véritable rencontre qui n’exclut pas la dynamique transférentielle. Elle a à cœur de proposer un véritable accompagnement aux personnes et à leurs proches, dans l’expérience de la maladie dégénérative.
«Voir la continuité de l’être de la personne malade, aider les proches dans leur manière d’être et les soutenir face aux changements », je la cite, est pour elle une priorité.
Comme elle, je suis convaincue que la personne atteinte d’une démence, n’est pas simplement un malade qui dans l’Institution est un objet de soin, qui passe un bilan et auquel on va diagnostiquer telle pathologie.
Il est bien évidemment très important de pouvoir poser un nom sur la maladie mais il est important, selon moi, de ne pas identifier la personne à celle-ci, d’éviter d’étiqueter. Le patient n’est pas « un Alzheimer » ou un « Parkinson » comme on peut l’entendre parfois. Il est et reste Monsieur X ou Mme Y.
Max Scheler, philosophe allemand propose une vision « relationnelle » de l’identité : « La rencontre de l’autre […] ne requiert que ceci : faire advenir l’autre rencontré comme sens et valeur ».
La relation existe toujours, elle n’est pas figée, elle évolue au gré de la maladie certes, mais elle perdure au-delà de la mémoire qui s’évapore, au-delà de l’expérience du déclin, au-delà de la souffrance physique et mentale.
Malgré l’angoisse liée à la perte identitaire, venant diluer un Moi déjà affaibli, il reste la relation à l’autre, la mémoire des sens qui redonnent du sens…
Avec l’affaissement du Moi, un Surmoi qui disparaît progressivement et n’impose plus ses filtres, le Ça prend plus de place, et s’étend, un peu comme une revanche.
Malgré la dépendance, le malade reste un père, un mère, un frère une sœur, un fils, une fille… il reste celui qui pense… plus comme avant mais il pense… qui ressent peut-être même de façon exacerbée, qui a des besoins, peut-être encore des plaisirs et qui malgré la souffrance, apporte par sa seule présence. Il reste sans doute une notion d’essentialité, tout le reste étant superflu.
Remerciements :
Je remercie du fond du cœur ma tutrice, neuropsychologue, ………., pour sa transmission si enrichissante, sa passion dans l’exercice de son métier, sa bienveillance, son empathie et la justesse de sa posture de thérapeute. Ce stage n’a duré que 2 jours mais, dans ma pratique, il y aura un avant et un après…
Merci également à l’EFPP, à Hervé Madet et à l’ensemble des professeurs pour cet enseignement du cursus de Psychopraticien si riche et complet ainsi que pour m’avoir permis de faire ce stage pratique.
Merci à toute l’équipe administrative de l’EFPP pour votre accompagnement.
Merci à ma maman, Marie, qui chaque jour me prouve qu’au-delà de la maladie et de l’oubli, il existe l’Amour.
Anne-Marie BAGLIERI
références : internet, l’Inserm, Cairn info, Mémoire de ma tutrice « Du bilan neuropsychologique à la rencontre », Mémoire d’une élève stagiaire « Rôle et pratique du psychologue spécialisé en neuropsychologie dans un service hospitalier »
mots clés : neurologie, neuropsychiatrie, bilan neurologique, relation patient/thérapeute, démence, Alzheimer, mémoire
